Si vous fréquentez souvent de gros jeux médiévaux fantastiques, que vous n’êtes point trop guerrier mais que vous avez l’amour de l’action et un petit peu d’érudition quand même : Le Héraut est fait pour vous. Flattez votre seigneur, courrez de faction en faction pour porter des messages de provocation, faites-vous poursuivre et prendre en otage mais gardez toujours votre tabard propre et le langage châtié... Voici pour vous le savoir de base nécessaire à imaginer un nouveau personnage haut en couleurs, entre le diplomate et l’aventurier.
Les origines
L’Héraldique, ou science des armoiries, vraisemblablement apparue au XIe siècle, se répand largement à travers l’Europe entière dès le XIIe. Son origine est liée à la nécessité pour les chevaliers, rendus méconnaissables par leur équipement guerrier, de se créer des signes de reconnaissance. Reproduites ultérieurement sur des sceaux, ces marques distinctives ne tardèrent pas à gagner toutes les classes sociales : femmes nobles et clercs, bourgeois et simples paysans.
Les conflits antiques se produisaient généralement entre peuples assez différents les uns des autres. Egyptiens, Assyriens, Grecs, Perses, Romains, Gaulois et Barbares de toutes espèces portaient tous des costumes et des équipements particuliers ; il était donc peu à craindre que des guerriers d’un même camp ne pussent se reconnaître même au cours de l’assaut le plus rude. Il en va tout différemment avec l’apparition des guerres féodales où les combattants portent les mêmes casques de fer battu, les mêmes casaques de cuir renforcé de clous ou de plaques de métal. Les chefs sont couverts de la broigne dont le camail encapuchonne la tête et couvre le bas du visage. Le casque muni d’un nasal ne laisse voir que les yeux ou le haut des joues.
Un tel équipement, identique dans chaque camp, joint au manque de discipline de l’époque, rendait les combats particulièrement confus. Certes les adversaires hurlaient leurs cris de guerre, mais dans le fracas des armes et la mêlée générale, bien malin qui arrivait à les identifier ! A la bataille d’Hastings Guillaume dut enlever son casque pour se faire reconnaître de ses Normands qui le croyaient mort.
Les boucliers étaient assez grands, en bois ou en cuir renforcés parfois de plaques de fer. C’est alors qu’on eut l’idée de s’en servir comme panneaux de reconnaissance ou signes de ralliement en peignant par exemple d’une couleur vive les renforts métalliques. La Fasce, le Pal, le Chevron, les Orles, voire l’Escarboucle tirent probablement leur origine de ces pièces de boucliers. Dès lors chaque seigneur eut sa marque distinctive. Cette marque apposée sur les boucliers de ses piétons était reproduite sur la bannière dont il se faisait suivre, ancêtre des drapeaux. Lui-même ne tardera pas à remplacer les dragons ou les motifs floraux qui ornaient son immense écu en amande, par ce que désormais on appellera « Les Armes » et qui va se transmettre de génération en génération.
Au départ de la troisième croisade, Philippe Auguste, Henri II d’Angleterre et le comte de Flandres, convinrent à Gisors de distinguer leurs unités respectives par les couleurs de leurs croix : le rouge fut adopté par les Français, le vert fut attribué aux Flamands, le blanc revint aux Anglais. Dès lors, chaque croisé pouvait déterminer la langue et la nationalité de son interlocuteur en fonction de la couleur qu’il portait.
Les Hérauts d’armes
Les pratiques guerrières de l’ère féodale, tant en Europe qu’en Terre Sainte, ne suffisent pourtant pas à justifier le succès des armoiries : tournois, défilés d’apparat, cérémonies fastueuses sont autant d’occasions pour la chevalerie d’arborer ses couleurs. Connaissant un succès sans précédent à partir du XVe siècle, ces manifestations de prestige constituaient en temps de paix le principal divertissement de la noblesse et confirmèrent l’Héraldique dans ses missions d’identification.
La reconnaissance rapide et sans équivoque des protagonistes, tant sur le champ de bataille qu’au tournoi, entraînera très tôt une codification des marques de reconnaissance. Des règles précises verront le jour dès le XIIe siècle : élaborées par des « spécialistes » de l’époque, les Hérauts d’armes (d’où découle le terme « héraldique »), elles sont demeurées en vigueur, pratiquement inchangées, jusqu’à nos jours, et consignent tout ce qui se rapporte aux couleurs, formats, stylisation des ornements usités, emplacements appropriés...
Dérivant probablement de l’allemand primitif Hariwalt, le terme Héraut apparaît, sous la forme Hirou ou Hiraut, dans les écrits français vers le milieu du Xlle siècle, avant de passer sous la forme Héraut dans la plupart des langues européennes. Les fonctions du héraut, mal définies à l’origine, oscillent entre celles d’un porteur de message et celles, qui l’emporteront rapidement, d’un diplomate.
C’est en 1173 qu’un chroniqueur, Guillaume le Maréchal, atteste pour la première fois la présence d’un héraut, à la bataille de Drincourt (Normandie). Plus tard, c’est un livre de comptes anglais qui fait état en 1290 d’un « roi des hérauts ». L’effectif de ces derniers croît rapidement : cinq hérauts d’armes portent à Édouard III d’Angleterre la liste des chevaliers français tués lors de la bataille de Crécy (1346). Un an plus tard, Jean II le Bon (il n’était alors que duc de Normandie) appointe un roi d’armes de Normandie, quatre rois d’armes français et vingt et un hérauts d’armes. En 1396, ce sont vingt et un hérauts qui escortent Albert de Bavière lors de sa campagne en Frise. À l’origine probablement recrutés en fonction des besoins, tout comme l’étaient les troupes armées, il semble qu’ils formèrent assez rapidement un corps permanent, devenu vers le milieu du XIVe siècle un élément incontournable de la Cour. Leur fonction perdurera en Europe tant que demeureront en vigueur les pratiques militaires médiévales.
Revêtus d’une tunique armoriée caractéristique appelée tabard, ils étaient dépourvus d’armement (une simple cotte de mailles pour protection). Ainsi donc parfaitement repérables sur le champ de bataille, ils restaient en permanence dans les environs immédiats de leur maître, dont ils partageaient la tente. Assurés d’une inviolabilité absolue (en théorie), ils pouvaient traverser les lignes de l’adversaire pour lire une communication de leur maître, demander une suspension des combats, négocier une capitulation, organiser un duel...
À la veille d’un affrontement à l’issue incertaine, les hérauts rédigeaient les actes testamentaires, assuraient la garde des biens précieux et pouvaient être mis au courant de détails corporels précieux pour identifier les éventuelles victimes. S’écartant de leur maître, ils suivaient au moyen des bannières le déroulement des assauts. Le combat achevé, les hérauts des différentes factions, réunis sur le champ de bataille, attribuaient la défaite au parti comptant le plus de morts, dont ils dressaient la liste et dont ils organisaient plus tard les funérailles. Les hérauts étaient autorisés à rencontrer les prisonniers détenus par l’ennemi, à taire leur identité ou à certifier leur noblesse, pour leur obtenir un traitement de faveur.
En temps de paix, l’organisation pratique des manifestations d’apparat, adoubements, tournois... relevait des héraut. D’autre part, ils veillaient au respect des règles héraldiques, contrôlaient les blasons, écartaient ceux qui transgressaient ces règles, vérifiaient les attestations exigées pour les heaumes couronnés, dressaient des listes éventuellement illustrées de blasons (ces listes constituent les Armoriaux ou rôles dits occasionnels).
En conclusion
Le champ d’application d’un personnage comme le héraut d’armes est en soi déjà très vaste en jeu de rôle grandeur nature. Il devient encore plus intéressant si on imagine doubler ses fonctions par l’espionnage ou l’assassinat (mais pas trop sinon personne ne fera plus confiance aux hérauts, ou peut-être faudra-t-il que la guilde des hérauts traque et élimine les traîtres en son sein... ???). Mais attention, pour être un héraut il faut être érudit et surtout connaître l’Héraldique...
Publié par Pan pour AuFilduGN
Synthèse des ouvrages de Mrs. P. Joubert & Claude Wenzler - L’héraldique - Ed. Ouest-France.